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La relation vaut-elle davantage que la communication ?


Suite à l’interview du psychanalyste Yannick Cann (Pourquoi les réseaux sociaux sont-ils plus réseaux que sociaux ?) qui évoquait la différence fondamentale entre communication et relation nous interviewons aujourd’hui Frédéric Bedin, président du Directoire du Groupe HOPSCOTCH et associé fondateur.

Pour résumer les propos de Yannick Cann, être en relation avec quelqu’un n’est possible que physiquement parlant car nos mots portent à conséquences. A l’inverse, sur les médias sociaux nous sommes simplement en communication avec autrui, car nos mots consistent à délivrer une information. La parole perd de son importance, les mots sont donc sans conséquences.

Le métier des relations publics a été inventé par Edward Bernays lors de l’entre deux guerres. Comment les médias sociaux ont-ils fait évoluer votre pratique des relations publics ?​

Le principe des relations publics c’est de parler avec les publics. D’ailleurs ça s’écrit "publics" et non "publiques" qui est une mauvaise traduction qui a été faite dans les années 50.

Les relations avec ses publics nécessite de pouvoir identifier ses publics. Avant, on les identifiait uniquement par intuition, aujourd’hui grâce aux réseaux sociaux et la data, nous sommes en mesure de les cartographier avec beaucoup plus de précision.

Pourquoi selon vous en 2019, les marques devraient-elles davantage considérer les événements ?​

Parce que si on s’intéresse à une communauté ou un public, le média ultime c’est de rassembler ce public.

C’est le principe de la messe, du meeting politique ou du salon de l’automobile.

A partir de moment où vous parvenez à rassembler les 100 plus grands fans dans un concert vous êtes certain de son succès sur les réseaux sociaux.

L’évènement c’est la mère de tous les médias. Tout peut partir de là.

Vous dites que les événements physiques sont les sujets du web et que par conséquent, sans événement, le web ne pourrait s’auto suffire. Quel est votre secret pour créer des événements dont les gens voudront parler sur les réseaux sociaux ?​

L’événement est le contenu de tous les réseaux sociaux.

Parce que, que mettons nous sur Facebook si ce n’est sa date d’anniversaire ?

Que mettons nous sur Instagram si ce n’est ses voyages et les fêtes auxquelles nous avons participé ?

C’est la même chose pour une marque : si elle n’a pas d’événements à fêter, elle n’a rien à partager sur les réseaux sociaux.

Mais avant les réseaux sociaux c’était vrai aussi !

Une marque ou un homme politique qui ne créée pas d’événement n’existe pas ! Car il n’a pas de prétexte à la prise de parole : c’est ce que j’appelle le prétexte légitime à la prise de parole.

Qu’est ce qui justifie que je dérange les gens si je ne créé pas d’événements ?

Quelle est selon vous la marque qui gère le mieux en 2019 ses relations avec ses publics ? ​

Je ne pense pas qu’il y ait une marque qui gère mieux cela que les autres.

Je ne vois que des améliorations potentielles car je vois encore des marques qui ont des communications massives qui sont intéressantes pour la notoriété, mais qui n’ont pas de communication communautaire pour créer une relation avec les publics.

Ça reste de la communication descendante.

Il n’y a pas encore cette culture dans le marketing, car le marketing a été inventé par des gens qui étaient des "mass media" qui parlaient encore de cibles. Et à partir du moment où on veut cibler des gens, on utilise une mitraillette.

Mais quand on comprendra qu’on ne peut plus cibler des personnes et que le seul objectif d’une marque doit être de s’intégrer à une communauté, alors nous aurons bien avancé.

Les seules marques qui ont une bonne communication communautaire sont des petites marques : cela n’empêche pas à tout le monde d’avoir en tête Red Bull qui excelle sur son segment.

Votre slogan est : « Relationships built by design ». Que pensez-vous des marques qui confient la relation de leurs clients à des Chatbots ?​

Le Chatbot ne créée pas de relation, il répond à un besoin et créée un service.

A partir du moment où l’on pose des questions et que les réponses sont correctes je pense que la marque a raison des les utiliser.

Parce que le robot peut faire bien mieux qu’un être humain sur ce sujet. Par exemple les robots placent mieux des fonds financiers que les traders eux-même.

Le métier de la relation est un métier très ambitieux : c’est toute la valeur du métier des relations publics.

La différence entre la communication et la relation c’est que la communication n’est que dans un seul sens, alors que la relation est complètement équilibrée.

La communication c’est comme un échange de biens : j’ai un message que je passe à quelqu’un (s’il le reçoit ou non, peu importe car j’ai fait mon travail).

La relation c’est un échange d’idées car, j’ai une idée, je la partage avec quelqu’un et on a la même idée : les idées se multiplient alors que les biens se divisent.

La relation permet de créer de la valeur immatérielle par la multiplication des échanges.

Un chatbot ne créée pas de valeur de cet ordre là.

Si on ne créée pas de relations humaines avec toutes les imperfections que cela comporte, ses faiblesses, ses travers émotionnels et bien on ne créée pas de relations.

50% des budgets marketing et communication des marques est dépensé sur internet dont 80% chez Google et Facebook. Les marques mesurent l’efficacité de leur investissement grâce au taux de clics et au CA généré. Est-ce selon vous une metric pertinente ? Quel indicateur suivez-vous pour mesurer l’efficacité des actions que vous entreprenez ?​

La question des metrics dans la communication a toujours été étonnante.

On a longtemps mesuré la valeur de l’efficacité média avec un coût GRP (on mesurait le coût et non l’efficacité) ainsi que le taux de répétition, le taux d’attribution …

L’attribution n’est pas une donnée intéressante selon moi. Que j’attribue une communication à une marque, ne veut absolument pas dire que j’aime cette marque !

Pour moi l’attribution c’est de la notoriété de base et il suffit d’écrire en très gros son nom sur le maillot du PSG pour obtenir cette notoriété. Et avec le taux de clics c’est pareil.

Toutes ces mesures chiffrées sur les réseaux sociaux ressemblent à ce qui était les anciennes mesures des plans médias : j’ai touché tant de personnes (que j’ai atteint comme des cibles) mais alors combien se sont protégées, combien ont été blessées, attaquées ? Combien veulent entrer en relation avec moi suite à ça ? Ça c’est une autre histoire …

Mais cela a fini par polluer le web, et les cibles ont fini par s’abriter derrière un bouclier qu’on appelle les Adblockers.

Les cibles se protègent et deviennent méfiantes car elles savent qu’il y a un risque (comme ce qu’on a pu voir avec l’adoption du RGPD).

Il va falloir inventer de nouveaux indicateurs qui sont liés à des critères d’influence.

Nous avons des clients qui préfèrent dépenser 1M d’euros pour mesurer le fait qu’ils sont parvenus à serrer la main du président de la république. Et peut être que cet entretient de 3 min est le KPI idéal.

Certes il y aura des éléments de post rationalisation pour justifier auprès du service financier qu’ils ont touché x centaines de milliers de personnes. Cependant ils ne cherchaient qu’un seul objectif : rencontrer le président de la république.

De notre côté chez HOPSCOTCH, on essaye de comprendre les vrais objectifs cachés de nos clients.

Parce qu’on nous donne souvent des objectifs qui ne sont pas les vrais (objectifs personnels, de visibilité au sein de l’organisation...).

La finalité est de dresser une liste de l’ensemble des objectifs qu’on hiérarchise afin que chacune des parties prenantes ait son objectif personnel qui soit atteint (vente, image, relationnel, promotion interne, fierté)

Et cela, ça ne se mesure pas.

Mais nous pouvons nous mettre autour d’un table et demander : a-t-on atteint cet objectif ou non?

Avec 2 milliards d’utilisateurs d’Adblockers sur 4,5 milliards de personnes connectées à internet dans le monde, diriez-vous qu’aujourd’hui la communication est davantage une source de frustration que d’inspiration pour les consommateurs ?​

Je pense pas que la publicité soit une frustration : car cela est une ouverture, une opportunité de rêver, d’avoir de nouvelles envies.

Si les gens utilisent des Adblockers c’est parce que l’expérience n’est pas la bonne.

Le jour où l’expérience sera meilleure, les internautes les désactiveront comme c’est déjà le cas sur certains médias.

Comment les usages des consommateurs vont-ils selon vous façonner la communication de demain ?​

La question primordiale est de se demander ce qu’est la définition de la communication ?

Si on entend par communication, des marques qui utilisent des techniques pour vendre plus au gens, alors il est facile de percevoir la mort de la pub traditionnelle et le couronnement des réseaux sociaux.

Et il est très possible que d’autres nouvelles choses émergent.

En revanche si la communication est l’une des cordes à l’arc des êtres humains pour être plus humains, nous pouvons penser que ce développement ira dans le bon sens.

J’aime beaucoup l’image entre l’Homme et le chimpanzé. On sait aujourd’hui que génétiquement il n’y a aucune différence majeure entre les deux.

Cependant, le chimpanzé n’est capable de vivre qu’en bande de 150 individus maximum. Au delà, ils sont obligés de scinder le groupe sinon ils finiraient pas s’entretuer.

Le propre de l’homme est de mettre en résonance des projets où ils peuvent être 50 000 dans un stade, 800 000 à écouter la messe du pape, 2 000 000 à célébrer la victoire de leur équipe à la coupe du monde, de faire des manifestions contre des projets politiques comme à Hong-Kong avec des parapluies et ce sans s’entretuer.

Et ça, c’est selon moi la communication.

Donc si les technologies sont mises au service de cela, elles fonctionneront toujours.

Et dès lors que ces technologies de communication contribuent à nous rendre plus humains.

Découvrez Frédéric Bedin en 15 mots dans le Fast Answers


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