L'expérience client. À réserver à l'homme ou à la machine ?
Le World Internet Institute a pour ambition de repenser la communication comme une source d’inspiration et de divertissement.
À ce titre, nous interviewons des décideurs afin que ces derniers puissent faire valoir la manière dont ils repensent leurs actions de marketing et de communication à destination de leurs clients.
Cette semaine nous interviewons Julien Hervouet CEO et fondateur d'iAdvize.
Photo Ouest France
Peux-tu nous parler de ton parcours ?
J’ai démarré en tant que directeur produit dans la start-up Zlio, dirigée par Jeremie Berrebi. Zlio permettait de créer sa boutique en ligne sans vendre de produits. La boutique thématique sourçait les produits et prenait une commission sur les ventes. 350 000 mini-boutiques à travers le monde ont ainsi été créées.
Mais du jour au lendemain, nous avons connu une crise majeure car nous avons été dé-référencés des moteurs de recherche de Google. Conséquences : une perte de 85% du trafic et idem pour les revenus… Nous nous sommes attelés à résoudre ce problème en nous demandant quelle était l’équation de succès d’un site e-commerce. Elle dépend de trois choses : du trafic, du taux de conversion et du panier moyen.
Nous nous sommes donc demandés si en offrant du conseil en temps réel par chat, on ne réussirait pas à améliorer la transformation. Malheureusement, le projet n’a pas vu le jour en interne. Et Zlio a dû licencier ses équipes.
Cependant, je souhaitais aller au bout de cette idée et j’ai décidé de créer iAdvize. Nous avons mis 3 mois à créer le prototype et 1 an après, nous avons signé Fnac.com.
Pour Fnac, les bénéfices étaient évidents : plus de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaire par an grâce à notre solution. Ils ont décidé d’en parler sur un salon e-commerce et ce témoignage a joué comme un tremplin pour iAdvize.
iAdvize c'est quoi concrètement ?
C’est une plateforme de marketing conversationnel qui permet à plus de 500 marques dans 60 pays dans le monde de générer 1 milliard de revenus additionnels par an. Nous permet à ces marques de prédire et engager des opportunités de contact auxquelles vont répondre par messaging des experts disponibles 24/24 7/7.
Ces experts, ce sont des passionnés d’un univers produit qui vont partager leurs connaissances et leurs retours d’expérience et qui vont être rémunérés pour leurs conseils soit au contact soit à la performance. Leur grande force est qu’ils délivrent un discours d’authenticité et de proximité, contrairement au discours souvent scripté d’un service client.
Nous identifions ces passionnés soit au sein des bases de données de nos clients soit par les réseaux sociaux en faisant du profilage, puis nous évaluons leur niveau d’expertise avec un questionnaire. Nous soumettons ensuite les profils aux marques qui les valident ou non.
Aujourd’hui, 10 000 experts sont inscrits et 400 conseillent activement des clients chaque semaine. Grâce à notre solution, nous permettons de manière très simple d’augmenter significativement le taux de conversion de nos clients : il est multiplié par 10 (20% contre 2% en moyenne).
La communication se décentralise de plus en plus. Elle ne va plus de la marque vers le consommateur, mais du consommateur au consommateur. Les réseaux sociaux ont contribué pour beaucoup à cette mutation. Était-ce une opportunité pour iAdvize qu'il fallait saisir ?
Cette opportunité, nous l’avons intégrée. Elle se traduit chez nous par cette communauté d’experts à la demande. Des marques sont prêtes à ce que leurs porte-voix soient des experts indépendants. Elles ont gagné en maturité sur le fait d’accepter de décentraliser cette force commerciale.
Mais c’est surtout parce que les marques ont compris que les internautes ne veulent plus d’un discours formaté ou aseptisé. Nous sommes tous à la recherche d’une relation authentique, personnelle et fiable. Aujourd’hui cela passe par les conseils d’un expert.
Aujourd'hui la publicité est considérée comme une source de frustration alors quelle devrait être une source d'inspiration.
Cela se traduit par une hausse constante des Adblockers.
N'est-ce pas une opportunité pour les marques de repenser la manière dont elles s'adressent à leurs clients sur les médias sociaux ?
Si évidemment. Concrètement nous sommes dans une période charnière. La publicité traditionnelle est morte. Pour rappel, la première bannière sur Internet est née en 1994 et elle disait « Avez-vous déjà cliqué ici ? ». A l’époque, elle atteignait un taux de clics de 44%. Aujourd’hui, c’est moins de 0,1% !
Face à cette chute, les publicitaires ont cherché à créer de nouveaux formats pour augmenter le taux de clics. C’est comme ça qu’on obtient des formats plus intrusifs voire même interruptifs. On n'arrive même plus à accéder au contenu. 45% d’internautes sont équipés d’adblockers. Cela traduit une forme de ras-le- bol.
Pour y faire face, il y a 2 solutions. Soit les marques s’entêtent et continuent de matraquer les internautes et nous obtiendrons un taux d’équipement de 80 à 90% d’adblockers. Ce qui va finir d’achever la pub.
Ou alors les marques se tournent vers des modèles qui ont plus de sens. Il faut arrêter de considérer l’internaute comme une adresse IP, une carte bleue ou une cible mais bien comme une personne qui a des besoins auxquels nous devons répondre en tant qu’êtres humains.
Certains CMO de grandes entreprises commencent à déporter une partie du budget de publicités interruptives en faveur de l’expérience et de la relation client. On ne doit pas s’intéresser qu’au taux de transformation mais aussi à la Customer Lifetime Value. Il faut que le client revienne, rachète et génère du bouche-à- oreille.
Au sein de l'institut nous défendons l'idée que la publicité a manqué sa révolution digitale pour la simple et bonne raison que les publicitaires n'ont fait que transposer le 4X3 sur le web.
Mais avec ta solution, ne remets-tu pas au goût du jour la plus vieille forme de communication qui est le bouche à oreille ?
Le sujet, c’est la conversation. L’étymologie même du mot conversation décrit un mode de vie qui est le commerce. La relation commerciale est historiquement une relation conversationnelle. On revient à la source, aux racines de ce qu’était le commerce. C’est-à- dire à une relation qui est génératrice de sens.
Il faut bien comprendre qu’une entreprise cherche un ROI. C’est un enjeu économique inévitable. Il faut donc être en mesure de mesurer ce ROI lorsqu’on fait de la relation client. Avec le messaging on peut mesurer l’impact d’un conseil comme on le fait pour une publicité.
Le deuxième aspect est celui de la scalabilité. La pub a eu un super effet de scalabilité. Mais avec la décroissance des performances de la publicité, plus un professionnel du marketing augmente son budget, plus il voit la performance diminuer. Avec iAdvize, on a résolu cet enjeu de scalabilité car on permet à toute entreprise d’éviter d’investir du temps à staffer et former ses équipes.
L'IA est un sujet très à la mode en ce moment. Justement chez iAdvize vous avez adopté un positionnement intéressant concernant l'implication Homme/Machine. Peux-tu m'expliquer ce choix ?
Aujourd’hui, l’IA est un terme à la mode. Mais on a plutôt vu sur le marché des solutions de bêtises artificielles. Si on regarde les entreprises qui disposent des meilleurs talents sur le sujet et de masse critique de données, on tombe sur Google et Apple. Si on prend l’exemple d’Apple, je ne suis pas en mesure de dire aujourd’hui que Siri a changé ma vie et que Siri m’offre une expérience client et utilisateur redoutable.
Donc si on redescend à l’entreprise lambda qui dit utiliser de l’IA, il s’agit en réalité des technologies anciennes et en open source. On commet une erreur en pensant qu’on peut faire appel à l’IA pour traiter et externaliser l’ensemble de sa relation client.
Si on s’intéresse au sujet des chatbots, je cherche encore quelqu’un qui dirait : « j’ai eu une expérience extraordinaire avec ce chatbot ! » Ça n’existe pas encore. Il faut donc utiliser ces technologies à bon escient.
Aujourd’hui, chez iAdvize, nous utilisons des technologies assimilées à de l’IA mais nous les utilisons pour rendre service à l’homme et non pour le remplacer (notamment pour prédire des opportunités de contact ou pour faire gagner du temps à l’expert). Nous utilisons l’IA pour augmenter l’humain et non s’y substituer.
On parle beaucoup d'expérience client, mais très peu d'expérience publicitaire. Dirais-tu que tu réconcilies les deux ?
Pour faire simple, le web se divise en 2 catégories :
Les sites à vocation informationnelle : ils vivent de leur capacité à rediriger des personnes vers des sites à vocation transactionnelle.
Les sites à vocation transactionnelle : ils prennent en charge la transformation en ventes. Ils constituent la cible d’iAdvize.
Si la publicité, c’est le fait d’inciter à la transaction, alors oui, la conversation est une forme de pub.
Un exemple très simple : le taux de transformation passe de 2 à 20% quand on assiste un prospect. Plus récemment, nous avons observé que le taux de réachat, qui est traditionnellement de 20%, passe à 50 % lorsqu’on offre une relation et un conseil personnalisé tel qu’on le fait avec iAdvize ! On voit l’effet positif sur l’esprit d’un consommateur lorsque l’expérience publicitaire et client est agréable.
Merci à Julien Hervouet d'avoir répondu à nos questions.